Fire on Fire – Nancy se cale sur le tempo de l’art urbain
Pour sa nouvelle saison dédiée aux arts urbains, la ville de Nancy a fait appel au curateur Christian Omodeo qui nous invite à parcourir, dans une exposition à la fois visuelle et sonore, l’histoire de cet art pluriel à travers le prisme de la musique.
Dès l’entrée dans la galerie Poirel qui accueille l’exposition Fire on Fire, le refrain du morceau Rapture de Blondie nous plonge dans les années 80, lorsque les gamins du ghetto new-yorkais partaient à la conquête des galeries et des clubs du downtown branché de la grosse pomme. À cette époque, c’est par le biais du Hip Hop que le graffiti s’apprête à déferler sur le reste du globe. Pour autant, la toile de Futura qui amorce le parcours de l’exposition rappelle d’emblée que bien d’autres genres musicaux ont jalonné l’évolution du graffiti puis du street art. « J’ai conçu cette exposition avec la volonté d’abattre les cloisons qui cernent l’art urbain, en cassant le lieu commun qui veut que le graffiti se résume au Hip Hop » explique le commissaire d’exposition. De fait, c’est à l’occasion de la tournée européenne des Clash que Futura réalisa cette toile en 1981.
Ainsi, si les premières générations de writers se retrouvaient plus volontiers dans la soul ou le heavy metal, ils furent par la suite largement influencés par le funk, le jazz ou le reggae, comme en témoignent les toiles de A.One, Daze ou Bill Blast. Le Hip Hop constitue néanmoins un jalon crucial de cette culture et de nombreuses allusions à ce genre musical accompagnent le visiteur tout au long de l’exposition. Des premiers B.Boys de Doze Green à sa version futuriste incarnée par le Point Man de Futura jusqu’aux danseurs aux postures dégingandées du japonais Taku Obata ; de l’incroyable Garbage God de Rammellze à cette impressionnante collection de flyers qui témoigne de l’émergence du mouvement Hip Hop, l’exposition regorge de trésors dont certains sont ici montrés pour la première fois en Europe.
Avec l’explosion du street art au tournant du nouveau millénaire coïncide le retour du vinyl qui fait face à la démocratisation du mp3. Une toute nouvelle génération d’artistes s’empare alors de divers genres musicaux comme la pop, l’électro, le punk ou la new wave. Shepard Fairey, Poch, Invader, Dran, André, Banksy, Os Gêmeos, JR… Tous usent de la musique comme d’une source d’inspiration ou d’un support de création, et se retrouvent ici sous la forme de flyers, d’affiches de concert, de pochettes de disque ou de vidéo clips. C’est en partie ce qui fait l’intérêt de cette exposition : en ne se limitant pas aux œuvres d’atelier, Christian Omodéo, lui même grand collectionneur d’archives en tout genre, dévoile l’étendue de l’art urbain sans le restreindre à son esthétique. La diversité des documents exposés permet d’aborder le sujet sous divers angles – artistique, sociologique ou anthropologique – et présente ainsi ce mouvement comme une culture à part entière, plus que comme un genre artistique trop souvent résumé à divers courants picturaux.
Autour de l’exposition présentée à la galerie Poirel, d’autres temps forts viennent rythmer cette saison culturelle placée sous le signe de l’art urbain. Au musée des Beaux-Arts de Nancy, sa directrice Susana Gállego Cuesta propose jusqu’au 12 janvier 2020 une plongée dans le New York des années 70-80 avec l’exposition de la photographe Arlene Gottfried. L’artiste espagnol Aryz et le français Poch sont également invités à s’exprimer dans l’espace de l’institution alors que, hors les murs, le new-yorkais Momo s’est emparé d’une façade du centre ville, poursuivant ainsi le parcours d’art urbain ADN (Art Dans Nancy) amorcé en 2015.
Texte et photographies de Nicolas Gzeley
À lire également sur Artistik Rezo : Christian Omodeo : cultures urbaines et révolution par Dorothée Saillard
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